Les bonnes (ou moins bonnes) raisons de choisir une RT
Depuis son apparition, la gamme RT de BMW fait figure de référence en matière de moto de grand tourisme. D’abord en 800 et 1.000 cc dans les années 1980 , elle a évolué en 1.100 cc en 1996, puis en 1.150 cc en 2001 et enfin en 1.200 cc en 2005. La RT monopolise à la fois la première places des ventes de BMW en France et du créneau GT où elle ne rencontre encore que peu de concurrence. La RT, un choix par défaut ? Pas seulement…
D’abord une précision.
La RT incarne pour moi la meilleure moto de grand tourisme actuellement disponible.
Pourquoi ? Déjà, les prétendantes à ce titre ne sont pas nombreuses.
Les Honda GL 1800 Golwing et BMW K 1200 LT ? Ces paquebots sont trop gros, trop lourds à mon goût, pas à leur place ni en ville, ni sur toute petite route tortueuse. A ranger dans la même catégorie que les grosses Harley.
La Yamaha FJR 1300 ou la BMW K 1200 GT ou la Kawasaki GTR 1400? On est là dans le tourisme dit “sportif”, avec notamment une position plus en avant, une moindre protection (sauf la K12GT), une autonomie de moins de 350 km hors réserve, digne d’une routière, mais pas d’une GT.
Qui reste-t-il en lice ?
La RT, la Honda ST 1300 Pan European, la Moto Guzzi 1200 Norge… Eventuellement la Honda Deauville 700 en entrée de gamme et la BMW GS Adventure pour les amateurs de passages hors bitume.
Réglons son compte vite fait à la Deauville. Moto certes sympathique, avec un excellent rapport qualité/prix/fiabilité, mais elle manque de tout: de puissance, d’autonomie, de capacité d’emport, voire de protection en version de base.
La GS Adventure (en 1150 ou 1200 cc) dispose de nombreux atouts (confort, fiabilité, polyvalence, capacité d’emport inégalée, autonomie record), mais manque de protection, même si le modèle 1200 Adv. a été amélioré sur ce point grâce à sa bulle, laide mais efficace.
La Guzzi 1200 Norge ? Une vision un peu décalée, qui tente de copier la RT tout en essayant de s’en démarquer. Un moteur sympathique, issue du 1100 de la Breva réalésé à 1150 cc (et non à 1200). La Norge, c’est d’ailleurs une Breva sur laquelle Guzzi a plaqué un carénage et une bagagerie mal intégrée. Les suspensions souples, voire molles, favorisent le confort, mais la pénalisent dans toute tentative de conduite sportive avec une faible garde au sol et une béquille centrale qui ne remonte pas assez.
La seule vraie concurrente de la RT, c’est la Pan. Elle serait presque parfaite: très bonne autonomie de près de 400 km avant réserve (double réservoir de 29 litres dont cinq de réserve), excellente maniabilité, un moteur quatre cylindres en V onctueux, coupleux et performant, système de freinage parfait (couplé Dual CBS, assisté, ABS), selle confortable, bonne capacité d’emport… Certes, la protection du haut du corps s’avère un poil en retrait par rapport à la RT, la bulle génère des turbulences.
Mais surtout, il reste cette tenue de cap aléatoire, cette sensation de louvoiement quand le vent se lève ou que l’on se trouve derrière un camion, surtout à haute vitesse. Rien de dangereux, mais cela génère un sentiment d’insécurité, toujours sensible sur le modèle 2007, même si Honda a amélioré les choses par rapport aux premières versions.
Reste donc la reine RT.
Sans altérer un concept qui fédère depuis 20 ans les adeptes de la moto GT (carénage intégral très protecteur, valises latérales en dur de série, moteur bicylindre à plat privilégiant le couple, selles confortable), la RT peaufine au fur et à mesure de ses versions ce qui peut l’être, notamment dans le domaine de la sécurité.
Surtout au niveau du freinage d’abord avec l’ABS sur la R1100RT, puis avec le système couplé et assisté BMW Integral EVO sur la R1150RT, modifié en Integral Sport avec une nouvelle centrale de calcul ABS (plus rapide et moins intempestive) sur la 1200RT.
Au commencement était l’ABS (AntiBlock Braking System) qui empêche tout blocage de roue, en théorie.
Dans la pratique, un freinage à la fois très puissant et très brutal parvient à bloquer pendant une ou deux secondes la roue avant ou arrière. A l’inverse, la centrale ABS se déclenche parfois intempestivement et relâche les freins dès qu’elle détecte une perte d’adhérence, notamment sur une bosse, un trou, une bande blanche, des gravillons… Grosse frayeur à la clef ! Le perfectionnement progressif des centrales ABS permet de limiter ces déclenchements intempestifs.
Deuxième étape, le freinage couplé, dit Integral ou Integral Sport.
Concrètement, quand vous freinez à la main (au levier) ou au pied (à la pédale), le système répartit automatiquement le freinage entre l’avant et l’arrière, avec une proportion d’environ 70% vers l’avant et 30% vers l’arrière. Là aussi, dans la réalité, le système accorde une légère priorité aux freins sollicités par la commande utilisée. Si vous écrasez le levier, il freinera d’abord fortement de l’avant avant de répartir vers l’arrière.
Plus fort encore, ce répartiteur de la force de freinage s’avère adaptatif et dynamique: il dirige de manière optimale la pression la pression vers chacune des roues en fonction des forces qu’elles sont capables de transmettre. Ainsi, lorsque la moto emmène passager et bagages, la charge sur la roue arrière est mise à profit pour transmettre un couple de freinage accru sur l’arrière.
Dans ces conditions, pourquoi garder la pédale de frein arrière, sachant que l’on dose bien mieux avec la main ?
C’est que tout le monde n’a pas été convaincu par le freinage couplé. Notamment les adeptes de la conduite “sportive” qui apprécient de freiner de l’arrière (et seulement de l’arrière) en entrée de virage, pour asseoir la moto sur ses suspensions et lui conférer une meilleure stabilité.
Pour eux, BMW a créé l’Integral Sport, à couplage partiel. Si vous freinez au levier, le système répartit entre avant et arrière. Mais si vous freinez à la pédale, il n’applique le freinage qu’à l’arrière.
Troisième étape, le freinage assisté, dit EVO.
Un “amplificateur de force” hydraulique augmente la puissance de freinage jusqu’à 20%, tout en réduisant l’effort d’actionnement du levier d’environ 15% pour une puissance d’arrêt égale. Combiné au couplage, le système permet de diminuer de 50% l’effort sur le levier par la main. Plus besoin d’écraser le levier de frein, un freinage à deux doigts suffit.
Enfin, pour couronner le tout, le système BMW EVO Integral assure un autocontrôle permanent des fonctions du feu arrière et du feu stop ainsi que le niveau du liquide. En cas de défaillance du feu arrière, il bascule sur le feu stop en modulant l’intensité du faisceau pour le rendre moins lumineux.
Bref, le système de freinage sur RT est un des tout meilleurs au monde et il participe grandement au sentiment de sécurité que l’on ressent à sa conduite.
Mais il existe d’autres raisons de privilégier ce modèle parmi les autres représentants des motos de grand tourisme.
Cinq bonnes raisons.
1- La sécurité
Avec ce qui précède, vous comprendrez que c’est l’atout majeur de la RT. Passive ou active, elle n’a pas son pareil dans la production concurrente actuelle. Les suspensions Telelever (à l’avant) et Paralever (à l’arrière) assurent en permanence une assiette horizontale et stable en limitant la plongée lors des freinages et la remontée du nez à l’accélération. Résultat, plus de confort, plus de gigue avant-arrière pour le passager et une moindre sollicitation des pneus et des plaquettes de freins puisque le transfert des masses est réduit.
Avec une excellente rétrovision par la magie de ces miroirs positionnés plus bas que le guidon et intégrés au carénage (ils participent du coup à la protection contre le vent), une bulle réglable, un moteur dont les cylindres proéminents vous assurent de ne jamais rester coincé sous la moto, un éclairage puissant, haut placé, facilement réglable (sur la 1150) et intégrant des feux anti-brouillard (sur la 1150) de série qui permettent de prendre le relais en cas d’ampoule de feu de croisement grillée… N’en jetez plus !
Pour moi, c’est simplement la moto la plus sûre du monde.
2- L’équipement à outrance
La RT, c’est la sophistication des berlines BMW avec juste deux roues en moins. Non, il n’y a pas la climatisation, cela reste une moto, mais qui a dit qu’une moto devait nécessairement être inconfortable et rustique pour rester une “vraie” moto ? Le confort participe à la sécurité et au plaisir de rouler, surtout sur long trajet. Les “accessoires” BMW sont loin d’être superflus, à l’opposé de la notion de gadget. Le FID, la “petite télé numérique”, donne l’heure, le niveau d’essence, la température de l’huile moteur et le rapport de boîte engagé. Avec l’ordinateur de bord en option sur la 1200, vous avez accès à la consommation moyenne, le kilométrage restant, la température extérieure, un indicateur d’alerte verglas, le niveau d’huile moteur, voire la pression des pneus.
Il fait froid ? Mettez les poignées chauffantes (voire la selle chauffante sur la 1200) et oubliez le gel. Brouillard ? C’est l’heure de faire travailler les deux anti-brouillard (seulement sur la 1150). Un bouchon ? Enclenchez les warnings, vos suivants seront avertis et les voitures s’écarteront devant vous. Un long trajet monotone sur autoroute ? La radio, le lecteur de cassettes ou de CD (selon les versions) vous aideront à passer le temps. Pas le sens de l’orientation ? Vous avez deux prises de bord à votre disposition pour un GPS, un lecteur MP3, un intercom avec votre passagère, un gilet chauffant…
3- La modularité
Vous êtes très grand ou très petit, fil de fer ou gros plein de soupe ? Pas de problème, la RT s’adapte. Selle réglable sur trois hauteurs de série, avec la possibilité d’une selle basse (moins confortable toutefois) ou à l’inverse d’une selle rehaussée. Idem pour la bulle: si le réglage maximal n’est pas encore assez protecteur pour vous, vous pourrez mettre une bulle haute ou une bulle haute ET large.
Et vous trouverez chez les accessoiristes spécialisés (Wunderlich, Touratech) de quoi optimiser votre position de conduite: repose-pieds réglables en hauteur, rehausses de guidon, sélecteur élargi, pédale de frein plus large, amortisseurs Ohlins haute performance…
Vous aimez que ça brille ? Moyennant quelque menue monnaie, vous pouvez avoir les tubes d’échappement chromés, les couvercles de liquides de frein et d’embrayage chromés, les embouts de demi-guidons chromés, les vis de carénage polies, les pare-carters en plastique ou en titane… Voire remplacer tous les bouchons de vidange en bête acier par d’autres en inox poli, avec une protection de té de fourche en carbone, un passage de roue arrière en carbone, un prolongateur de garde-boue avant, une bavette de plaque arrière…
4- Tailler la route en confort
Vous aimez rouler ? Rouler loin, longtemps, pas forcément vite, mais sans vous traîner et sans exclure une petite pointe de temps en temps ? Vous jubilez à l’idée de traverser la France en une seule étape de 1.000 km sans dételer et en arrivant frais et dispos ? La RT est faite pour vous.
Possible que vous vous fassiez parfois doubler par quelque prétentieux en sportive ou roadster bruyant qui ne daignera pas vous accorder un salut, persuadé que vous conduisez une motomobile alors que lui pilote un engin de compétition… Pas d’inquiétude, attendez quelques kilomètres et vous pourrez lui adresser un petit signe de la main quand il aura rendu la sienne d’épuisement. Ou il suffira d’attendre qu’il s’arrête au bout d’une heure pour ravitailler en essence son engin de torture glouton. Vous aurez alors le choix entre le dépasser sereinement ou lui payer un café pour l’aider à reposer son anatomie courbatue tout en montrant que vous ne marinez pas dans le même sectarisme.
5- Soigner votre passager
Contrairement aux adorateurs du bout de bois et de l’insert de mousse minimaliste, vous considérez que vos passagers, et surtout la compagne de vos jours heureux, méritent un profond respect. Vous lui réservez donc un accueil digne de ce nom sur celle qui accompagne elle aussi vos plus belles journées pour que le ménage à trois se passe au mieux. Non content de lui offrir une selle confortable (quoique glissante d’origine), vous lui proposez une capacité d’emport de bagages suffisante pour ses petites affaires indispensables (sans qu’elle ait à supporter un sac à dos de 30 kilos), une protection et un confort de route sans égal (amortisseur arrière réglable facilement en détente et précontrainte), à tel point que certaines s’endorment en attendant d’arriver (vécu).
Afin de vous assurer qu’elle ne dort pas et démontrer que la moto n’est pas (toujours) un plaisir solitaire, vous pouvez même pousser le vice jusqu’à faire installer un intercom intégré à la moto.
Et puis, qui sait ? Si vous commenciez à vous y intéresser, vous pourriez découvrir que l’entretien d’un flat-twin n’est pas si compliqué que ça, qu’il est agréable de rouler sur une moto qu’on a soi-même bichonné. Et peut-être même qu’un jour, vous pourriez attraper le virus du travail manuel bien fait. Vade retro Satanas !
Curieux de savoir quelle faune chevauche ces destriers ?
A lire les témoignages de centaines d’utilisateurs de RT, à rouler avec certains d’entre eux, c’est clair: on ne choisit pas d’acheter une RT par hasard, quel qu’en soit le modèle.
Je ne vais toutefois surtout parler ici que des modèles que je connais et sur lesquels nous bénéficions d’un bon recul avec les années, c’est-à-dire les R850RT, R1100RT et R1150RT, millésimes 1995 à 2004.
Ces commentaires restent vrais pour l’essentiel à propos de la R1200RT qui a été présentée en décembre 2004, date à laquelle j’ai écrit ces lignes, et commercialisée à partir de janvier 2005.
Acquérir une RT, c’est d’abord croire en l’image de la marque BMW, en accepter les choix en matière de conception moto, comprendre comment et pourquoi “aucune moto n’est pensée comme une BMW”. Tout en restant conscient des lacunes et des améliorations possibles (voire conseillées) car si cette moto remplit bien sa mission et affiche une polyvalence remarquable, elle reste loin de constituer la moto parfaite…
Ce rêve de gosse ou de jeune motard que l’on réalise enfin, parfois au bout de dizaines d’années, c’est reconnaître enfin que “la vérité en Boxer est ailleurs” !
Sur une BM à moteur bicylindre à plat, plus encore sur une RT, on ne parle pas (ou peu) performances, ou du moins pas en termes de vitesse de pointe.
Il faut en être arrivé à trouver son plaisir ailleurs que dans l’accélération type “coup de pied au c..” ou la vitesse de pointe. Tout en sachant que grâce à sa polyvalence, la RT vous apportera du plaisir dans tous les autres compartiments de la conduite: confort, maniabilité, vivacité, angle, autonomie, maîtrise du freinage, en solo comme en duo, sur tous types de routes (du moment qu’il y a du goudron, et encore), sur tous les revêtements et par tous les temps, de jour comme de nuit.
Ce que l’on ressent au guidon d’une RT ?
Une sensation de sécurité phénoménale, un confort royal (même pour le passager), une maniabilité hors pair, une vivacité étonnante pour son gabarit.
Conduire sur le couple du bi-cylindre (entre 3.000 et 5.500 tours par minute), sans toucher les freins, uniquement avec le frein moteur conséquent, c’est le pied !
La RT, c’est aussi la facilité d’entretien grâce au cardan et à des révisions prévues tous les 10.000 km.
Gros défaut: un poids omniprésent à l’arrêt, qui rend les manoeuvres délicates malgré le centre de gravité placé très bas, sans parler des frayeurs au débéquillage et de la nécessité de bien réfléchir avant de se stationner.
L’allonge n’est pas non plus le fort du moteur.